Google invoque le Millennium Act pour défendre son modèle économique
C'est un véritable coup de semonce en direction de la stratégie hégémonique de diffusion vidéo que vient d'envoyer le géant des médias Viacom à celui de l'Internet, Google. Mais derrière ces actions judiciaires, c'est une véritable guerre de partage entre médias traditionnels et nouveaux acteurs de l'Internet qui se joue en coulisses.
Au centre de ces manœuvres, l'audience, qui, progressivement, s'érode et se détourne des canaux traditionnels de diffusion, mais surtout les promesses de cette énorme manne publicitaire induite, qui pour l'instant tarde à décoller faute d'accords. D'un côté donc, les empires médias, presque seuls détenteurs des richesses et contenus audiovisuels, arcboutés sur leurs acquis, et voulant négocier au cas par cas, en essayant de contrôler toute diffusion non autorisée. Et en face, les "pure players" du Réseau, qui ont senti cette révolution silencieuse avant les autres, et qui, à grand renfort d'investissements et de développements, ont construit de nouveaux modèles de diffusion-partage-communauté : ils fournissent les outils, et les internautes font le reste.
YOUTUBE GAGNE DU TEMPS ET ENGRANGE LES PROFITS
YouTube est de ceux-là. Et il se faufile entre les gouttes, faisant tantôt preuve d'ouverture en déclarant signer à tour de bras des accords "historiques" avec de grands diffuseurs ou ayants droit, ou tantôt preuve de soumission en retirant dès qu'on lui en fait la demande toute vidéo ou clip litigieux. Mais le numéro un des sites de partage vidéo donne surtout l'impression de gagner du temps : depuis des mois, des négociations sont engagées entre YouTube et Viacom pour le paiement de droits d'utilisation des émissions de son réseau. A tel point que, n'y tenant plus, Viacom a exigé de YouTube le retrait de plus de cent mille clips litigieux de la base début février.
Viacom ne s'en satisfait pas : "La stratégie de YouTube est d'éviter de prendre des mesures directes pour empêcher les violations sur son site, engrangeant ainsi à son profit un trafic et des revenus importants tout en transférant la charge et le coût élevé de la surveillance de YouTube aux victimes de ses infractions", explique le groupe, dans un communiqué. Car YouTube use et abuse du DMCA (Digital Millennium Copyright Act), voté en 1998 : il n'interdit pas l'envoi de contenus protégés par copyright sur son site, mais les retire à la demande, et uniquement si cette dernière est motivée.
Là est le cœur du problème : faut-il, comme poussent à le faire les majors et ayants droit, installer des technologies de protection et d'anti-copie des clips et vidéos sous copyright, mais aussi des systèmes de vérification des contenus sur les sites incriminés ? Ou bien laisser ces mêmes sites vérifier et retirer les fichiers une fois détectés ?
Du côté de Google, la réponse vient d'Alexander MacGillivray, l'avocat du groupe. Selon lui, la jurisprudence des tribunaux américains est limpide : les services Internet sont protégés contre toute responsabilité en matière de copyright s'ils retirent rapidement, comme le demande la loi, les contenus mis en cause, à la demande des détenteurs des droits. L'avocat de Viacom, Michael Fricklas, rétorque : "YouTube veut prendre d'abord et négocier après. On ne peut pas faire fonctionner un marché de cette manière."
VIACOM ENTEND METTRE UN FREIN AU MODÈLE COMMUNAUTAIRELa guerre des contenus audiovisuels en est donc à sa première bataille sur l'interprétation du DMCA. Douglas Lichtman, professeur de droit à l'université de Chicago et agissant en tant que consultant pour Viacom, estime que le DMCA n'est pas un "chèque en blanc" permettant l'usage massif d'œuvres sous copyright. "C'est un texte équilibré destiné à faire quelques exceptions", estime-t-il.
Scrutée de près par les autres grands groupes médias tels que General Electric ou Time Warner, la démarche de Viacom sera déterminante pour cette industrie naissante de la vidéo sur Internet, qui amène à sa suite espoirs de revenus colossaux et nouvelles audiences rajeunies. La firme de Moutain View, elle, campe sur ses positions : "Nous ne laisserons pas cette affaire affecter la croissance continue et la forte performance de YouTube."
1 commentaire:
Je ne savis pas que ce coup d'avance qu'avait Google sur les créateurs de contenu était inscrit noir sur blanc dans une loi.
Cela explique tout. En effet, cette loi permet de favoriser la création de nouveaux médias, en reportant la question de la rémunération à plus tard.
C'est une idée géniale pour provoquer l'innovation, un coup de maître des américains, les meilleurs en la matière.
Un coup de maître, qui confirme bien que l'état reste la puissance qui cré la valeur. Etat libéral ou non.
A suivre...
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